PEINTURE

Après avoir été ignorée du milieu artistique américain des années 1950-60 — qui favorisait l’art abstrait au détriment de la figuration — Neel éclate aujourd'hui.

Alice Neel, la vie commence à 70 ans.

Se représenter nue à 83 ans avec autorité et dignité n’est pas chose fréquente. Dans le cas de l’autoportrait d’Alice Neel la nudité s’explique : elle l’a fréquemment utilisée dans les portraits représentant son cercle de connaissances comme un moyen d’incarner une présence humaine capable de transmettre aussi bien la vulnérabilité que la force intérieure ou l’essence de l’être qui se dévoile. En revanche, appliquer ce principe à elle-même, Neel n’avait jamais osé le faire jusqu’à cet exemple étonnant, commencé en 1975 et achevé pour une exposition en 1983, alors qu’elle avait déjà 83 ans.

Après avoir été ignorée du milieu artistique américain des années 1950-60 — qui favorisait l’art abstrait au détriment de la figuration — Neel sort de l’ombre dans les années 1970, grâce notamment au mouvement féministe, et affirme : « La vie commence à 70 ans ! » C’est dans le contexte de cette reconnaissance qu’elle exécute son autoportrait d’artiste. Assise comme une figure d’autorité sur son fauteuil rayé, elle se représente nue, en tant que peintre, pinceau en main et chaussée de ses lunettes, regardant son reflet dans un miroir, et par là même, le spectateur dans les yeux. Neel voyait son rôle comme celui d’une chroniqueuse attentive aux enjeux sociétaux et politiques de son époque. Dans ses toiles, elle évoque également les questions d’inégalité sociale touchant principalement les femmes, telles que la pauvreté et les charges cumulant maternité, vie de couple et des voies si ardues de réalisation professionnelle. Son désir de transmettre par sa peinture les réalités existentielles du monde et des personnes qui l’entourent se reflète dans le traitement qu’elle réserve à son propre corps : aucune idéalisation, mais, une lucidité totale, franche et admirable du vieillissement comme processus naturel — physique et psychique — qui, si on l’accepte, enrichit le fil de nos vies.