Faut-il interdire les trottinettes électriques ?

Vitesse excessive, non-respect du code de la route, slaloms sur le trottoir, sans oublier un mauvais bilan carbone. A Paris comme à Bruxelles, on hésite à les proscrire ou à limiter leur utilisation dans des zones délimitées. En Suisse, le sujet divise aussi.

« Les trottinettes sont des bombes accidentogènes » SÉBASTIEN DESFAYES, DÉPUTÉ PDC-LE CENTRE AU GRAND CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

« La trottinette s’insère dans une mobilité multimodale » CAROLINE MARTI, PRÉSIDENTE DE L’ASSOCIATION TRANSPORTS ET ENVIRONNEMENT (ATE) ET DÉPUTÉE SOCIALISTE AU GRAND CONSEIL GENEVOIS

Pourquoi êtes-vous favorable à l’interdiction des trottinettes électriques au centre-ville?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes et démontrent une augmentation extrêmement inquiétante des accidents. La SUVA a annoncé 800 accidents impliquant des trottinettes électriques en Suisse. Deux ans plus tard, ce chiffre a été multiplié par trois. Ces accidents sont souvent graves. Le port du casque est rare, si ce n’est inexistant. La vitesse, débridée à tout point de vue, l’étroitesse des roues, les zigzags incessants et la congestion du centre-ville font de la trottinette électrique un danger, quelquefois mortel, pour les piétons, les cyclistes et, bien sûr, pour ses utilisateurs. Dans l’attente d’une réglementation adéquate, le simple bon sens commande d’interdire les trottinettes au centre-ville.

Sont-elles vraiment plus problématiques que les scooters, par exemple?

Il existe une réglementation stricte cadrant l’usage des scooters, ce qui n’est pas le cas des trottinettes électriques, qui sont autorisées tant sur la route que sur les pistes cyclables ou encore dans les zones de rencontre, alors qu’il s’agit de «bombes accidentogènes». De toute façon, au centre-ville, la priorité doit être donnée aux transports publics et à la mobilité douce, donc pas aux scooters et aux trottinettes et, encore moins aux voitures.

Le bilan écologique des E-trottinettes vous dérange-t-il également?

Non, car il est meilleur que d’autres modes de transport individuels, même si des gros efforts doivent encore être faits par les constructeurs.

Pensez-vous qu’il y ait, aujourd’hui, moyen de les interdire ?

Oui. Si les cantons ne sont pas compétents pour modifier la Loi fédérale sur la circulation routière (LCR), ils peuvent, en revanche, interdire aux trottinettes électriques l’accès à certaines zones, comme le centre-ville. Une telle mesure doit être prise dans l’attente d’un cadre légal clair.

Les trottinettes électriques ont-elles leur place en ville?

Je suis opposée à leur interdiction pure et simple, car elles peuvent s’insérer dans une mobilité multimodale plus respectueuse de l’environnement, en complément des transports publics, par exemple. Le problème, c’est que les trottinettes électriques sont souvent utilisées pour des trajets qui étaient auparavant effectués à pied. Et ces personnes conservent les logiques de déplacement de piétons, utilisant les trottoirs et zones piétonnes, mais en allant cinq fois plus vite. Ce sont ces comportements qui font la dangerosité des E-trottinettes. Les trottinettes qui slaloment entre les piétons dans la gare Cornavin, c’est inadmissible!

Elles causent des accidents, parfois mortels. N’est-ce pas là une preuve de leur dangerosité?

Comme tous les moyens de transports, lorsque les E-trottinettes sont utilisées de manière imprudente ou illégale, elles sont dangereuses. Il est donc essentiel d’encadrer, de contrôler et de sensibiliser leurs usagers.

Leur bilan carbone est aussi critiqué. Elles seraient plus polluantes que le métro…

C’est vrai, mais si on suit cette logique, il faudrait d’abord interdire les voitures et les scooters dont le bilan carbone est bien pire. Remplacer un déplacement à pied par un déplacement en trottinette électrique ne fait écologiquement aucun sens. Mais la trottinette électrique a une utilité environnementale si elle permet d’éviter un trajet en voiture ou en scooter.

Dans les autres pays, on voit fleurir des référendums contre les trottinettes, notamment celles en libre-service. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

L’interdiction des E-trottinettes en libre-service fait plus de sens. Elles sont souvent utilisées pour de très courts trajets. Ce type de déplacement pourrait avantageusement être effectués à pied ou en bus.