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PSY

Jean-Christophe Bétrisey Psychanalyste

Mon mari a peur de tout.

« Mon mari a 81 ans. Plus le temps passe et plus ses peurs s’accentuent. Parfois, il angoisse même à l’idée de rater un repas. Il ne supporte plus de prendre le moindre risque. Nous nous retrouvons, l’un comme l’autre, désarmés face à cette peur que nous ne comprenons pas. »

Vous soulevez dans votre question, une contradiction pourtant pleine de bon sens. Plus votre expérience de vie grandit et moins vous comprenez ce qui vous bloque. S’ajoute à cela une peur qui limite votre mari jusque dans des tâches quotidiennes, anodines, au premier abord.

Mais qu’est-ce que la peur ? Vous n’en étiez probablement pas consciente jusqu’à ce jour, mais sachez que la peur de l’inconnu nous accompagne, pour la plupart d’entre nous, de la naissance à la mort. De ce postulat, comment ne pas craindre de vivre ? D’autant que le temps s’écoulant, nous prenons conscience de la fin, inconnue absolue, qui approche inexorablement. La difficulté de vivre ne peut que s’amplifier dès lors que la perspective de la mort génère de la peur en nous.

Elle s’apparente à de l’angoisse, mais il n’en est rien. Contrairement à l’angoisse qui se manifeste de manière diffuse, la peur se réfère à un objet précis, les prises de rendez-vous pour votre mari, en l’occurrence. Justifiable et tangible, l’objet sur lequel il focalise sa peur lui permet de se détourner de la peur de l’inconnu.

Sa réaction est humaine, il se sent en danger dans son moi le plus profond ou dans sa vie la plus primitive. Bouleversé dans son identité, il se préserve des risques en handicapant son quotidien. Le risque étant de ne plus être en mesure d’assumer les tâches les plus banales. C’est probablement ce mécanisme qui a attiré votre attention.

Peur de la peur

La peur de rater un repas, cela peut paraître d é risoire. En v é rit é , une peur en cache une autre, nous renvoyant à un bouleversement pas encore mis à jour. Ce choc, inconscient à ce stade, est possiblement toujours enfoui en votre mari. N’est-il d’ailleurs pas humain de dissimuler ce qui nous effraye le plus, de camoufler des peurs de surface par des terreurs refoulées ? L’inquiétude d’arriver en retard à un rendez-vous, par exemple, peut s’enraciner dans la peur de la mort, renvoyer à la conscience du temps qui passe. Sans se l’exprimer consciemment, le comportement de votre mari r é v è le que l ’ existence le tourmente.

Entrer en contact avec soi

Ne craignez pas ce monde inconnu, Denise, et posez des mots sur cette peur, car les mots apaisent. Ils ont cette faculté de donner du sens à nos inquiétudes. Chaque personne vit sa propre réalité au regard de son vécu et de son histoire. L’écriture ou la peinture sont d’excellents outils de mise à distance et d’interprétation du mal-être.

Ensemble analysez, décortiquez et disséquez pour comprendre les peurs de surface, ce qui permettra d’accueillir celles qui paralysent son quotidien. Il découvrira les craintes enfouies en lui et se libérera, car ces petites morts intérieures lui donneront la possibilité d’entrevoir un terrain authentique.

« Il se sent en danger dans son moi le plus profond »

SOMMAIRE

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2023-03-01T08:00:00.0000000Z

2023-03-01T08:00:00.0000000Z

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