Monsieur Météo

par Philippe Jeanneret

C’est une belle journée d’été, je prépare mon bulletin. L’anticyclone des Açores est vissé sur ses positions depuis une semaine, pas grandchose à dire à part « temps ensoleillé » ou « nuages du genre discret ». Si je n’amène pas une note d’humour, la présentation sera aussi excitante qu’une émission de télé-achat…

Le ciel est avec moi, en cherchant sur la toile, je découvre un texte de Pierre Dac intitulé « Le temps qu’il aurait dû faire aujourd’hui » :

«Temps nuageux à pas très beau, de pas très beau à plutôt moche et de plutôt moche à franchement tarte. » Cool ! « La dépression nerveuse en provenance des Açores qui devait aborder la France dimanche prochain est reportée à une date ultérieure. » Excellent ! La fin est croustillante: «Températures propices aux givres caniculaires en début de journée. »

Drôle et concise à la fois, cette petite phrase a toutes les qualités requises ! Sans rien dire à personne, je passe sur le plateau du téléjournal.

13h10, c’est l’heure du direct, je fais mon speech. Sur la carte des températures, je place les « givres caniculaires», tout en gardant mon sérieux (j’ai de la peine, mais j’y arrive). Le générique de fin arrive, j’attends les réactions de mes collègues de travail, le sourire aux lèvres.

Et là, tout fout le camp ! Pris dans ses pensées, le chef-plateau n’a rien remarqué. Même chose pour le réalisateur, la scripte et les techniciens qui quittent la régie sans dire un mot. En rédaction, je vous le donne en mille, personne n’a regardé le bulletin.

Pas grave, je me dis, il y aura bien des téléspectateurs pour réagir. Que pouic, le téléphone reste désespérément muet. Vous l’aurez compris, je n’ai jamais reçu le moindre courrier à ce sujet, pas le plus petit mot, pas la plus petite remarque. Encore aujourd’hui, j’ai de la peine à y croire.

La morale de l’histoire nous vient de Jean de la Fontaine : « Je le répète, je le dis, vaille que vaille, le monde n’est que franche moutonnaille ! »