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Les migrants entrent en scène

Les compositeurs d'opéra délaissent aujourd'hui volontiers les amours contrariées pour traiter de thèmes d'actualité. Exemple à Genève avec la création de Voyage vers l'espoir.

JEAN-JACQUES ROTH

J’adore la célèbre formule de George Bernard Shaw : « L’opéra, avaitil écrit, c’est une histoire où un baryton fait tout pour empêcher un ténor de coucher avec une soprano. » Mais ce n’est plus vrai. Les compositeurs d’opéra, depuis des décennies, ont délaissé les amours contrariées pour des sujets de portée plus collective, où le contexte politique et social prend une place grandissante. Avec Voyage vers l’espoir, par exemple, qui sera créé à Genève à la fin du mois, le compositeur allemand Christian Jost a tiré son sujet du film du même nom de Xavier Koller. Réalisé en 1990, celui-ci retraçait le périple tragique d’une famille kurde espérant trouver, en Suisse, le paradis sur terre. Egarés dans les Alpes enneigées en pleine nuit, trahis par les passeurs, les migrants voyaient leurs rêves tourner au cauchemar et le couple perdre l’enfant emmené avec lui, mort de froid dans les bras de son père.

Sorti alors que les migrants en provenance des lointains pays du Sud commençaient seulement à affluer, Voyage vers l’espoir avait créé un électrochoc, et connu un gros succès. C’est le seul film suisse à avoir reçu un Oscar (pour le meilleur film en langue étrangère). On est bien loin, ici, des transports amoureux et, pourtant, la matière dramatique est très riche. C’est pourquoi le compositeur allemand a choisi ce sujet, pour ce qui est son dixième opéra, déclarant qu’il estime être de son devoir de faire écho aux préoccupations de son époque. C’est également le propos du directeur du Grand Théâtre de Genève, Aviel Cahn, qui entend rendre à l’opéra sa capacité à s’inscrire dans son temps, en choisissant des metteurs en scène, des chorégraphes et des scénographes capables de relire les oeuvres du répertoire à la lumière d’aujourd’hui.

La production de Voyage vers l’espoir est ainsi confiée au réalisateur hongrois Kornel Mundruczo, dont la femme a écrit le livret. Mundruczo a déjà mis en scène un opéra de Janacek à Genève et, l’an dernier, une autre création, celle de Sleepless de Peter Eötvös. La pièce de théâtre Pieces of a woman, devenue un film, a eu un énorme succès après avoir été primé à la Mostra de Venise. La vidéo sera donc un protagoniste important du spectacle, qui devait être créé en 2020, mais que la pandémie avait alors empêché.

Genève, Grand Théâtre, du 28 mars au 4 avril. www.gtg.ch

CLASSIQUE

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2023-03-01T08:00:00.0000000Z

2023-03-01T08:00:00.0000000Z

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